Les âmes brisées by Katherine Girard & Charles-André Marchand

Auteur:Katherine Girard & Charles-André Marchand [Girard, Katherine & Marchand, Charles-André]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Historique
ISBN: 9782898180514
Éditeur: Monarque
Publié: 2021-11-08T01:00:00+00:00

Chapitre 14

Aveugles

Gail n’avait pas dit toute la vérité en attaquant Arcade, à son retour d’Europe, puis Roselyne. Elle-même n’était pas totalement sans reproches. Elle fréquentait depuis quelques semaines son cousin et ancien soupirant, l’avocat Saül Goldman, qui avait recommencé à lui faire la cour au début du mois de décembre. Elle ne s’était laissé séduire que bien après Noël, après avoir finalement assimilé le fait que Marie Dumontier avait eu droit à une lettre d’Arcade, mais pas elle. Avant, pendant tous ces longs mois d’hiver, elle avait cru qu’Arcade reviendrait vers elle, que la lettre qu’il devait forcément lui avoir adressée s’était abîmée en mer ou perdue dans la poste. Elle avait donc refusé toutes les avances de Saül. Mais à l’arrivée du printemps, lorsque son amoureux était revenu avec une autre femme, elle avait perdu ses dernières illusions. Dans l’espoir de rendre Arcade jaloux, elle avait accepté de fréquenter Saül, et ce, même si elle ne ressentait rien pour lui.

Saül Goldman s’était depuis longtemps excusé d’avoir trop bu à la fête de la Saint-Sylvestre l’année précédente et lui avait pardonné le coup de poing qu’elle lui avait envoyé en plein visage. À ce souvenir, il riait maintenant aux éclats. Gail lui plaisait tant ! Elle était téméraire, entêtée et carriériste, certes, mais elle avait aussi tout pour être une merveilleuse épouse et mère au foyer : il avait toujours aimé son attitude enjouée, sa tendresse envers ses proches, sa générosité.

Avec sa houppe fière, ses cheveux lisses et son sourire ravageur, Saül était un bel homme. Évidemment, dans l’esprit tourmenté de Gail, il n’arrivait pas à la cheville d’Arcade Dubé. À la suite de chaque sortie avec Saül, elle passait des heures à rêvasser, à réécrire mentalement cette soirée en substituant le visage et le corps d’Arcade à ceux de Saül, espérant un jour pouvoir revivre les émotions si fortes qui l’avaient assaillie au temps de son bonheur avec le jeune Dubé. Même en la présence de Saül, Gail se surprenait à rêver, à imaginer le beau Arcade en train de manger son repas en sa compagnie, en train de regarder une pièce de théâtre près d’elle, en train de manger une crème glacée avec elle. Et parfois, elle refusait même les invitations de son prétendant, préférant demeurer à la maison et rêver à une vie meilleure, une vie aux côtés de celui qu’elle aimait vraiment.

Pourtant, Saül faisait de son mieux. Aveuglé par son désir de la conquérir, il la comblait de cadeaux, lui apportait des fleurs régulièrement, l’invitait au cinéma et dans les meilleurs restaurants de la ville. Il se comportait en véritable gentleman. Il ne cachait pas qu’il était amoureux de Gail, et ce, depuis longtemps. Il ne cessait de lui répéter qu’elle était la femme de sa vie. Il lui écrivait sans cesse des mots doux et des poèmes, et Gail subissait tous ces assauts de manière stoïque, incapable de se réjouir ni de le repousser.

Le problème était qu’il voulait trop lui plaire, il en devenait étouffant. Elle appréhendait la grande demande à chaque rendez-vous.

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